Interview Sharksploitation : quand le requin attaque...
Rencontre avec le Professeur Rico de l’équipe de Nanarland qui nous raconte son parcours et sa passion pour le Sharksploitation ("film de requins"). Âmes sensibles, s'abstenir !
Pour mettre en valeur les films de genre qui font la force de son fonds vidéo, la bibliothèque André Malraux proposait le samedi 28 octobre 2023, la projection du film « Les mâchoires infernales » de William Grefe (1976) présentée par le Professeur Rico de l’équipe de Nanarland, spécialiste de la Sharksploitation (« films de requins ») à laquelle il consacre un podcast. Après une rencontre avec Jacques Thorens en septembre 2023 autour de la salle de cinéma Le Brady et du cinéma Bis, il s’agissait là de notre deuxième grand rendez-vous consacré au cinéma de genre.
J’ai profité du passage à Paris du Professur Rico pour lui poser quelques questions :
L'association Nanarland as été créée en 2011 est-ce que vous pouvez nous parler de cette association ? Comment elle est née et en faisiez-vous partie dès le départ ?
Professeur Rico : L’aventure Nanarland, c’est d'abord la naissance du site Internet en 2001 dans la région de Grenoble à l’initiative d’étudiants passionnés de cinéma qui passaient leurs soirées à écrémer les vidéoclubs en ayant tendance à se saisir des films sur les étagères du bas. Ces films qui ne sortaient pas contrairement aux grands succès. Séries B, films rigolos dont ces étudiants sont tombés amoureux. Films un peu foutraques que l'on pourrait qualifier de mauvais films sympathiques un peu ratés, mais qu'on trouve beaucoup de plaisir à regarder à plusieurs pour s’en moquer gentiment. Jeu des acteurs outré, péripéties improbables, effets spéciaux ne tenant pas la route ou réalisation approximative font que l’ensemble en devient drôle. Le site Internet est créé l’année suivante et je les rejoins dans les mois qui suivent.
Depuis 2001, nous chroniquons ce qu’on appelle des nanars qui sont des films tellement ratés qu'ils en deviennent attendrissants. Ils permettent de passer de bonnes soirées, on rit du film et très rapidement on rit avec le film. Au départ, il s'agissait de se moquer des films et, au fur et à mesure, on a exploré ce qu’il y avait derrière ces titres : les réalisateurs, les acteurs. On a fait de belles rencontres, des interviews, on a aidé à éditer des DVD. On a découvert tout un monde, une face obscure du cinéma, loin des grands films et des blockbusters même si parmi les nanars, il peut y avoir de grosses productions. Un monde attendrissant qui avec la patine du temps a en plus un côté kitsch. C'est ça que l'on aime bien défendre à Nanarland.
Comment s’organisent vos activités, comment ont-elles évolué depuis les premières soirées entre amis ? Réunions régulières, projections, partage ?
Après le site Internet né sur Grenoble, est venu rapidement un forum et des gens de toute la France nous ont rejoints. Chacun y allait de ses recommandations : « Ah oui j'ai vu ce film il faut absolument le voir ! », « Est-ce que vous connaissez celui-ci ? » Tout un petit réseau est né. Le forum, très actif au début des années 2000, a commencé à faire parler de lui et à faire notre succès. Ce qui a fait passer Nanarland au niveau supérieur, c'est la collaboration avec la Cinémathèque française qui a organisé une soirée spéciale en 2005 après le déménagement de la Cinémathèque du Trocadéro vers Bercy. Jean-François Rauger, alors directeur de la programmation, nous a contacté parce qu'il avait entendu parler de nous, notamment par son fils qui participait également au forum. Il avait dans ses réserves, des films qu'il n'avait jamais pu projeter, parce qu'ils étaient un peu trop improbables, un peu trop fous.
Même pour ses séances Cinéma Bis* ?
Justement, il en avait passé quelques-uns mais certains étaient trop « gratinés » même pour ce type de programmation, un peu trop « excentriques » terme utilisé par Jean-François Rauger. La soirée a très bien marché, à tel point que cette soirée, qui devait être exceptionnelle, a été reconduite l'année suivante dans la nouvelle salle Henri Langlois de la Cinémathèque. C’est devenu un rendez-vous annuel qui a duré 10 ans. Nous avons programmé dix Nuit excentrique et au bout de la dixième nuit, on avait l'impression d'avoir fait le tour du concept, peur de tourner en rond malgré l’énorme succès. Dans les dernières années de la programmation, la salle de 450 places de la Cinémathèque se remplissait en moins de 10 minutes ! On faisait sauter le serveur plus vite que pour un film de Brian De Palma ou Francis Ford Coppola ! (Rires). On s’est offert le plaisir d’une dernière nuit excentrique au Grand Rex et en fait, cela a relancé la machine.
* La Cinémathèque propose un double programme de films bis chaque mois depuis 1994.
C’était quand ?
C'était en 2015. Une nouvelle ambiance avec une salle plus grande et de cette nuit qui devait être la dernière, les gens en ont redemandé !
Nous-mêmes, nous avons retrouvé l'envie de poursuivre. Nous nous sommes séparés de la Cinémathèque, en bons termes bien sûr, et la Nuit excentrique est devenue La Nuit Nanarland. Depuis, chaque année (hors période de Covid évidemment), nous remplissons la grande salle du Grand Rex. Cette année, on a fait salle comble sans avoir annoncé la programmation. En juillet, lorsqu'on annonce l’ouverture de la réservation, nous sommes encore en train de négocier les droits sur les films, ce qui nous empêche d'avancer la programmation. Nous annonçons une surprise, que l'on « concocte » quelque chose et cela suffit pour qu'on remplisse la salle. Les gens répondent présent pour la surprise, pour l'ambiance etc. Cela permet également à des gens de se retrouver sur Paris pour ce rendez-vous annuel car les spectateurs viennent de toute la France. C’est LE rendez-vous un peu fou où l’on va retrouver ses acolytes, où l’on sait que l’on va passer une nuit de folie, de 20h à 8h du matin, une grosse nuit blanche !
L'ambiance fait beaucoup : on diffuse quatre films il y a aussi des bandes-annonces, des jeux, des petits montages ludiques. À côté de ça, nous avons d’autres activités: par exemple, nous avons déjà travaillé avec Arte sur une série documentaire autour du nanar ou avec AlloCiné pour une capsule vidéo. Toutes ces activités nous on fait mettre en association, d'un point de vue pratique, c'était plus simple. Nous gérons maintenant directement nos activités et la programmation. On est passé non pas à un niveau semi-professionnel mais disons « passionnés organisés ». Personne n’en a fait son métier. Le site Nanarland peut ainsi continuer d’exister sans pub. On n’a jamais fait basculer le site dans un truc commercial. On veut garder notre indépendance car on ne fait pas ça pour l'argent, on le fait surtout pour le plaisir. Ce qui fait qu'on ne se lasse pas. Ce n'est pas un boulot. On essaie de publier régulièrement, mais à notre rythme. Sans pression, sans date de rendu comme dans un cadre professionnel.
Le podcast Shark Parade était-il là depuis le début ou y avez-vous pensé ensuite ?
Il n'était pas là dès le début. On a commencé à faire des podcasts en 2017 et le format nous a bien plu. On fait des podcasts régulièrement. Shark Parade est un projet plus personnel. Je suis un grand fan de films de requins. Mon film préféré c’est Les dents de la mer. J'avais envie de faire un petit podcast à moi tout en restant sous le label Nanarland. À chaque numéro, je tire au sort deux films de requins que je vais analyser.
Vous tirez au sort à partir de quoi ? Une liste préétablie?
Quand j'ai commencé, j'avais fait une première liste après avoir vu beaucoup de films. J'ai ensuite recensé tous les films qui existaient. Quand j'ai commencé, il y avait 70 films dans ma boîte et il y en a aujourd'hui 156. C'est un « tonneau des Danaïdes ». Rien que cette année, il y a une dizaine de films de requins qui sont sortis. De tous types, aussi bien des grosses productions que des micros productions qui ont été tournées avec trois francs six sous par des amateurs. J'essaye d'être exhaustif, de voir des films de toutes nationalités, de tout genre. Cela va de la grosse production au petit film fait au caméscope à 3000 dollars. Il y a beaucoup de déchets mais cela a un côté rigolo. Pas mal de gens me suivent. J'ai une audience régulière. Je prépare mon 59e épisode.
Vous tirez au sort : cela veut dire que vous pouvez tomber sur le meilleur comme le pire.
Oui par exemple Les Dents de la mer, je ne l'ai tiré qu’au bout du 40e tirage alors que je n'attendais qu'une chose, c'est de tomber dessus ! (Rires) C’était une sorte de running gag. Le jour où je suis tombé sur Les Dents de la mer qui est mon film préféré, j'ai fait un podcast spécial. Mine de rien, il y a des gens qui me suivent. J'ai une audience régulière et j'en suis à mon 58e épisode soit 116 chroniques !
Je me demandais d'où venait votre intérêt pour les films de requins ? Vous parliez des Dents de la mer qui est votre film préféré, est-ce que ça a été le choc de départ ?
Il est effectivement devenu mon film préféré, le film d'attaque animale est un genre que j’aime bien. Je ne sais pas pourquoi d’ailleurs, mais je ne suis pas le seul.
Alors, cela peut être aussi bien des piranhas ou des crocodiles ?
Oui tout à fait, c'est un genre très prolifique ! Et populaire. Shark Parade au début, je l'ai vécu comme un gag. Je ne pensais pas que le podcast durerait aussi longtemps, qu'il y aurait autant de films à chroniquer. Les gens ont répondu présent : j'ai une audience de 1500 personnes environ, ce qui pour un petit podcast amateur est plus qu'honorable ! Je ne m'attendais pas à obtenir ce résultat. Ce qui m'étonne, toujours c’est que sur ces 1500 personnes, il y a en général quasiment la moitié qui réagit dès la publication du nouveau podcast. J'essaye de le faire avec humour pour amuser les gens tout en étant rigoureux sur la technique, la description du film, son histoire.
Vos podcasts prennent la forme de critiques cinématographiques, vous les travaillez beaucoup avant?
Oui, je prends beaucoup de notes sur mon ressenti puis je me renseigne sur le film, les techniciens… ensuite, il y a un travail d'écriture tout bêtement. Je fais ça à l'ancienne. J’ai des cahiers sur lesquels j'écris à la main puis je lis mes textes et enfin, je fais un peu de montage. J'y ajoute souvent des bandes-annonces ou des extraits de films pour donner envie de les voir.
Avez-vous une explication quant à l’immense succès de la Nuit Nanarland ? Et selon vous, y a-t-il un nanarophile type ou pas ?
Comme dirait Jean François Rauger : « pour voir des conneries, y'a du monde ! » (Rires). C'est sa formule ! Étant directeur de la programmation de la Cinémathèque, il fait des choses exigeantes et constate qu’il y a paradoxalement toujours plus de monde sur ce type de séance. Il y a un côté festif très clairement qui attire du monde. Il n'y a pas un profil type même si au départ il était plutôt étudiant, masculin et urbain. Heureusement, le public de la Nuit, s’il vieillit avec nous (car nous avons des acharnés qui nous suivent depuis 20 ans) se féminise, ce qui est plutôt bien. Tout comme nous avons des membres féminins dans l'équipe. On est contents également de voir un rajeunissement du public. On pourrait n’avoir que des gens qui vieillissent avec le site et qui seraient aujourd'hui des quadragénaires mais on voit arriver des jeunes qui redécouvrent les films grâce à nous, ce qui nous rend heureux. Il y a une base des fidèles que l'on retrouve d'année en année, avec qui on discute sur les forums, via les réseaux sociaux. Et parallèlement, beaucoup de gens qui nous découvrent lors de soirées étudiantes, entre amis, etc. C'est d’ailleurs lié à la façon dont on découvre ces films, en général en groupe, entre amis, sans quoi ils n’auraient pas la même saveur.
C’est aussi le plaisir du film en salle !
C’est ça ! Il y a aussi le plaisir du rendez-vous annuel, de l’événementiel. Il y a maintenant une nuit Nanarland à Liège fin mars. C’est leur deuxième année.
C’était étonnant que les Belges ne se soient pas encore emparés de cet événement! (Rires)
Il y en a une aussi à Caen en juin !
Cela a « fait des petits », vous n'avez pas peur que l'effet Nanarland s’épuise ?
Pour l'instant non, parce qu’on trouve toujours des films intéressants. Par exemple, on fait des montages de tout ce qu'on a trouvé de plus fou dans l'année pour la Nuit et on aboutit à chaque fois à une heure cumulée de projection. Et vu que c'est notre 17e année, si on met à part une édition best of, on a quand même 16 heures rien qu’en extraits de films, qui sont autant de pistes de films à projeter !
Comme vous le disiez, il y a des gens qui viennent de toute la France. Ce qui prouve l’intérêt de faire ce type d’évènement en région aussi.
Et Nanarland n’est pas né à Paris. Même s’il y a maintenant des membres de l’équipe dans toute la France le site est né à Grenoble. Nous allons d’ailleurs faire notre première Nuit à Grenoble. C’est une grande fierté ! On aimerait faire plus mais en tant qu’amateurs, on ne peut pas mobiliser tous nos week-ends!
Il semble qu'il y ait une querelle entre les bissophiles (amoureux du cinéma BIS, définition en fin d’interview) et les fans de Nanarland. Par exemple, j'ai eu au téléphone l’éditeur de DVD Le chat qui fume qui accuse en quelque sorte Nanarland de se moquer des films alors que selon lui, il n'y a qu'une distinction qui existe, c'est entre les bons et les mauvais films. Pourtant si on regarde le catalogue du Chat qui fume beaucoup de leurs films pourraient être classés selon vos critères dans les nanars. Qu’en pensez-vous ?
C’est vrai que beaucoup de bissophiles n'aiment pas l'idée de nanars. Il y a toujours une petite querelle sur ce sujet du bis et du nanar. En sachant que dans les nanars, il peut y avoir de très grosses productions. Par exemple, Cats la comédie musicale sortie il y a deux ans. Ou un film comme Flash Gordon dans les années 80. Ces grosses productions qui ont coûté des millions sont tout aussi ridicules que certaines petites productions fauchées. Il faut reconnaître que dans le milieu du bis, l’idée de se moquer des films n’est pas forcément bien vue mais ce qui pourrait nous sauver à leurs yeux, c'est que derrière le côté persifleur, il y a un travail d'enquête et de redécouverte des films.
Nous avons réédité des films, fait découvrir des seconds rôles du cinéma ou des réalisateurs oubliés. C'est aussi la force de Nanarland. Derrière le côté rigolo, il y a une vraie plus-value cinéphilique et de la tendresse. On va se moquer de gens qui ont réalisé des films envers et contre tout, ce qui revient à les admirer. Il y a quelques années, on a fait venir sur scène Ramon Saldia un réalisateur espagnol qui avait réalisé en 1980 le film Karaté contre mafia. Il avait essayé de faire un film de Hong Kong mais dans les Canaries ! En gros, les films de Hong Kong marchaient bien en Espagne alors il avait décidé de faire son propre film. Un pseudo Bruce Lee était joué par un acteur espagnol avec une coupe au bol et les yeux plissés avec un point de colle (Rires) ! Et il avait recruté à peu près tous les Asiatiques qui vivaient sur l'île des Canaries parmi le personnel des restaurants et traiteurs chinois pour en faire des figurants. Le film est à mourir de rire mais le gars l’avait fait sérieusement, tout en n’étant pas dupe de ce qu'il produisait et de l'aspect commercial. On a passé son film et quand il est venu le présenter, il a eu le droit à une standing ovation sincère, car on avait éprouvé beaucoup de plaisir à le voir !
Vous saluez le travail de personnes qui poursuivent finalement un rêve : faire du cinéma à tout prix !
Mais oui c'est ça ! C'est ce qu’on aime avec les nanars. Un vrai nanar ne doit pas être cynique. C'est le problème que l'on a avec certaines comédies qui se veulent « nanardesques ». Ces nanars volontaires où l'on va taper dans les côtes du spectateur : vous avez vu comme c'est nul ! Un film comme Sharknado par exemple. Ce genre de production ou l’on fait volontairement des choses outrées, en supposant une connivence avec les spectateurs. Ce qu'on aime bien, ce sont les films un peu ratés mais sincères. Quand les personnalités sont sympathiques on va plutôt avoir de la tendresse pour eux et les mettre en avant. Très souvent, les films sont redécouverts et ce qui est fou, c'est que ce genre de films bénéficient de ressortie en 4K ou de restauration là où des films plus honorables ou des films d’auteurs, attendent toujours de sortir en simple DVD. On voit des productions assez calamiteuses avoir droit à leur sortie DVD parce qu'il y a des fondus dans notre genre un peu partout dans le monde. Certains passionnés vont retravailler la pellicule à la main pour avoir le meilleur grain possible. C'est ce qui est fou avec le monde des amateurs de série B ou de film bis. Les gens savent que nous ne sommes pas cyniques et qu'il y a quand même de la passion derrière.
À propos des ressorties de film, je me demandais si selon vous c'était suffisant ? Est-ce qu'on les met suffisamment en avant, est-ce qu'il y a encore du travail ?
Il ne faut pas oublier qu’il s'agit de films de niche. Même lorsqu'ils sont sortis au cinéma, ils n'étaient pas prévus pour passer dans les grandes salles de cinéma mais dans les cinémas de quartier, dans les salles à double programme ou directement en vidéo-club. C'est bien que ces films continuent à exister parce que c'est un pan entier du cinéma qui est toujours intéressant à retrouver. Est-ce que leur vocation c'est d'être forcément très grand public ? Peut-être pas. Le côté niche est sympa, génère des connivences entre amateurs. Mais il y a aussi des personnes absolument imperméables à ce genre d'humour. On est toujours contents de mettre ces films en valeur mais il ne faut pas non plus les mettre sur un piédestal, on ne parle pas de Scorsese ou de Lynch.
Le vidéo-club était quand même un lieu-ressources pour ce type de film. Aujourd'hui ce n'est pas sur les plates-formes de streaming qu’on les trouve…
Il y en a un petit peu sur Amazon parce qu'ils prennent n'importe quoi dans des conditions assez catastrophiques mais c'est un problème plus large. Il reste quelques Blu-ray de collection mais énormément de films et pas seulement dans les nanars ne sont plus édités et disparaissent tout simplement. Les plates-formes ne prenant que les films récents, on trouve très peu de films intéressants d’avant 2000 et même d’avant 2010. Le résultat, c'est qu’il n’y a pas que les films de série B qui disparaissent. On n’arrive plus à les voir parce qu’ils manquent le support. La fin des supports DVD et Blu-ray est actée. C'est quelque chose qui nous préoccupe !
Il y avait déjà des films qui n’étaient pas passés de la pellicule à la VHS ou au DVD. Par exemple, lors du dernier Étrange Festival, un intervenant a parlé de la Bruceploitation *. Énormément de films étaient sortis après la mort de Bruce Lee et presque rien n’a survécu. La pellicule aurait servi notamment à faire des emballages alimentaires.
Oui, ou ils faisaient fondre la pellicule pour la recycler. Beaucoup de films ont disparu et pas que des films muets y compris des films plus récents des années 70 -80. Il y en a aussi plein qui dorment dans les petites cinémathèques privées et qu'on retrouve miraculeusement. Il y a aussi, tout bêtement, énormément de films qui existent en 35 mm mais qui ne sont pas mis sur un support facilement accessible. Dans les cinémas, il faut rappeler qu'il y a de moins en moins de projecteurs 35mm, le DCP (Digital Cinema Package ou version numérique) a tout remplacé à quelques exceptions près. Au Grand Rex, lorsque l'on fait la nuit Nanarland, c'est un des rares cinémas qui sort le projecteur 35 mm pour certains films. Même si on diffuse souvent des versions DCP pour des raisons pratiques, on tient encore à la pellicule. On a des bandes-annonces qui ne sont qu’en 35mm. Mais tout ça disparaît massivement. Donc, ces films vont être mécaniquement oubliés et dormiront dans des réserves de cinémathèques sauf si on les sort de temps en temps comme le fait Nanarland.
* Bruceploitation : Suite à la mort prématurée de Bruce Lee, un certain nombre de sosies se sont emparés du film de kung-fu, jouant parfois le rôle de Bruce Lee lui-même. Le film Enter the clones of Bruce de David Gregory (2023) était proposé en avant-première au dernier Étrange festival.
Vous êtes prof dans la vie. On ne dira pas où ni de quoi mais, je me demandais si vos élèves avaient une idée de vos activités clandestines ?
Il y a quelques élèves qui ont repéré ma tête sur des bonus de DVD ou dans des émissions sur Internet, cela reste encore discret mais, en règle générale, ils sont plutôt amusés, cela les surprend toujours de voir leur prof au quotidien. Ils ont toujours l'impression qu'on a pas de vie en dehors de l’école! (Rires). Par ailleurs, je tiens le ciné-club du lycée et suis certifié cinéma. J’essaie de faire passer l'intérêt de cet art. Quand j'entends des lycéens qui crient « Philippe je sais où tu te caches… » qui est une réplique d'un extrait popularisé par Nanarland et passé dans langage courant, ça m’amuse. Plein de gens l'utilisent sans savoir que c'est parti de Nanarland. Ou celle-ci « Je mets les pieds où je veux et souvent c’est dans la gueule ! » une réplique de Chuck Norris. Les gens ne savent pas d’où vient la référence.
Votre film préféré c’est Les Dents de la mer mais parmi les nanars de requins, auriez-vous un ou deux favoris à nous conseiller ?
J'ai une grosse tendresse pour La mort au large de Enzo G. Castellari (indisponible en DVD actuellement NDLR) notamment parce que dix ans plus tard, Bruno Mattei a fait un Dents de la mer 5 finalement appelé Cruel Jaws où toutes les scènes de requins sont piquées directement à La mort au large. Par exemple, la scène avec l’hélicoptère où le réalisateur a simplement intercalé quelques plans avec ses propres acteurs. Comme Bruno Mattei est un monteur à la base, c'était très facile pour lui ! Et c'est encore plus fauché que La mort au large. Le film est catastrophique mais hilarant. Il a essayé de vendre le film comme une suite des Dents de la mer. Il était spécialiste des fausses suites ! Il a réalisé un Terminator 2 avant même que Terminator ne soit sorti en salle ! Il n'a jamais eu aucun remords à piller les plans d'autres films. Il a dû changer le titre Dents de la mer 5 parce qu’Universal s'en est mêlé. Mais, dans beaucoup de pays il est tout de même sorti sous ce nom. Même parcours pour La mort au large, que le réalisateur a tenté d’appeler les Dents de la mer 3, en laissant planer le doute sur l’affiche. Le film a été interdit aux États-Unis après un très beau démarrage parce que le studio Universal a intenté un procès pour plagiat.
Quant au film projeté aujourd’hui, malheureusement plus disponible en DVD, en deux mots : Les mâchoires infernales est un film de 1976, juste après les Dents de la mer, même si le réalisateur affirmait avoir écrit le scénario avant la sortie du film à succès. Succès qui lui aurait permis justement de trouver des fonds. Ce qui est intéressant avec ce film, c'est que cela prend le contre-pied des Dents de la mer puisque c'est l'histoire de quelqu'un qui va défendre les requins. Il a reçu une sorte d’amulette qui selon lui, permet de communiquer avec les requins et il va se mettre à tuer tous les gens qui veulent faire du mal aux requins notamment des chasseurs, des pêcheurs sans scrupules. Dans le même temps, il va tomber amoureux d'une danseuse de cabaret. Et le patron véreux de la boite, va exploiter sa naïveté. Ce qui fait l'intérêt du film, c'est qu’il n'est pas une simple copie de ce qui s'était fait jusqu'alors mais qu’il essaie de développer une vraie histoire. Et cela a vraiment le charme des films des années 70 avec un grain un peu rugueux, des personnages pas très moraux. Le héros tout en étant défenseur des requins devient tueur, la jeune femme dont il tombe amoureux est très vénale. On est dans une ambiance années 70 avec nuances de gris. Et, autre intérêt du film, c'est qu'il y a des vrais requins ! Petits requins certes, mais dressés pour l'occasion. Le tout dans l'ambiance poisseuse des bayous du sud des États-Unis.
La projection se fait aujourd'hui en bibliothèque. Je voulais savoir si vous aviez déjà eu l'occasion d'intervenir dans ce genre de lieu ou si c’était une première ?
En bibliothèque, c'est la première fois. Nos projections se sont faites essentiellement dans des cinémas. Et je trouve intéressant de le faire en bibliothèque pour faire découvrir les films autrement et toucher d'autres publics.
Sélection
Film
Shark !
Edité par Bach Films [éd.] - 2016
Caine, un trafiquant d’armes échoue dans un port de la mer rouge. Une jeune femme séduisante lui propose alors de plonger dans des eaux infestées de requins pour des recherches scientifiques. Mais Caine comprend très rapidement que la jeune femme et son partenaire sont en fait des chasseurs de trésor peu scrupuleux…Un classique du genre signé par le grand cinéaste Samuel Fuller que l’on n’attendait pas forcément sur ce genre. A voir pour le plaisir de retrouver l’inénarrable Burt Reynolds !
Par Karine J., Bibliothèque André Malraux
Film
Les dents de la mer
Edité par Universal Pictures vidéo [éd.] - 2004
A quelques jours du début de la saison estivale, les habitants de la petite station balnéaire d'Amity sont mis en émoi par la découverte sur le littoral du corps atrocement mutilé d'une jeune vacancière. Pour Martin Brody, le chef de la police, il ne fait aucun doute que la jeune fille a été victime d'un requin. Il décide alors d'interdire l'accès des plages mais se heurte à l'hostilité du maire uniquement intéressé par l'afflux des touristes. Pendant ce temps, le requin continue à semer la terreur le long des côtes et à dévorer les baigneurs...Le film culte qui a donné naissance à la Sharksploitation. A voir ou revoir sans modération !
Par Karine J., Bibliothèque André Malraux
Film
L'Année du requin
Edité par Warner / The Jokers - La Rabbia - 2022
Maja, gendarme maritime dans les landes, voit se réaliser son pire cauchemar : prendre sa retraite anticipée ! Thierry, son mari, a déjà prévu la place de camping et le mobil home. Mais la disparition d’un vacancier met toute la côte en alerte : un requin rôde dans la baie ! Aidée de ses jeunes collègues Eugénie et Blaise, elle saute sur l’occasion pour s’offrir une dernière mission…Une parodie savoureuse du film de requins qui nous fait osciller entre rire et frisson.
Par Karine J., Bibliothèque André Malraux
Film
L'Attaque du requin à 6 têtes
Edité par ESC Editions - 2022
Ce qui est censé être un camp d'entraînement au mariage sur une île isolée se transforme en une ultime fuite pour la survie lorsqu'un requin à six têtes commence à attaquer la plage. Piégés avec un minimum d'armes, les habitants de l'île tentent de repousser le requin, mais découvrent rapidement que personne n'est en sécurité dans l'eau, ni sur terre.Après L’attaque du requin à 5 têtes, laissez-vous tenter par la surenchère avec ce film de requin pour le moins surprenant. Allergiques aux nanars s’abstenir !
Par Karine J., Bibliothèque André Malraux
Film
Instinct de survie
Edité par Sony pictures home entertainment [éd., distrib.] - 2016
Nancy surfe en solitaire sur une plage isolée lorsqu’elle est attaquée par un grand requin blanc. Elle se réfugie sur un rocher, hors de portée du squale. Elle a moins de 200 mètres à parcourir à la nage pour être sauvée, mais regagner la terre ferme sera le plus mortel des combats.Un blockbuster efficace qui relance une sharksploitation un peu boudée ces dernières années.
Par Karine J., Bibliothèque André Malraux
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Le film suivant a été projetéle 28/10/2023 à la bibliothèque André Malraux en présence du Pr Rico de l’équipe de Nanarland. il n'est malheureusement pas disponible à l'emprunt en bibliothèque.
Les mâchoires infernales
William Grefe, 1976
Dans une île du Pacifique Sud, un homme poursuivi par une bande de tueurs se jette dans une mer infestée de requins. Phénomène surprenant, aucun des requins meurtriers qui l'entourent ne le touche. Reconnaissant en lui l'incarnation d'un héros légendaire, un vieil homme lui fait cadeau d'une amulette, lui assurant que, tant qu'il la portera, il n'aura rien à craindre des requins. Bientôt, une étrange relation s'établit entre Tom, considéré par tous comme un simple d'esprit, et les redoutables squales.
Par Karine J, Bibliothèque André Malraux