"Escale musicale" de l'été Jazz à Saint-Germain des Près
Le Tabou, rue Dauphine, 1963 (Roger Viollet)
Cet été, partez à la découverte du jazz "made in France" à travers une série d'articles et de sélection à consommer sans modération. Deuxième épisode, à la découverte du jazz à Saint Germain des Près.
Cette série se décline en cinq volets qui seront diffusés tout au long de l'été 2023.
- Ep.1 : Introduction au jazz français
- Ep.2 : Le jazz à Saint-Germain-des-Prés
- Ep.3 : Le renouveau (1960-1990)
- Ep.4 : Le jazz-rock
- Ep.5 : La nouvelle scène
Le jazz était déjà présent en France, principalement à Paris dans les années 1920.
Peu après la guerre, vers 1946-47, de nombreux clubs de jazz souterrains apparaissent dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés.
Parmi ces endroits, le Caveau des Lorientais, sis au 5 rue des Carmes dans le Vème arrondissement. Le célèbre clarinettiste Claude Luter, figure du swing et du style Nouvelle-Orléans en France, fut l’animateur attitré du lieu avec son orchestre.
Le Caveau des Lorientais ferma ses portes au même moment où s’ouvrait le Tabou situé au 33 Rue Dauphine dans le VIème arrondissement dans une cave de l’hôtel Aubusson.
Le Tabou fut inauguré le 11 avril 1947. Fréquenté par Jean-Paul Sartre et Albert Camus, Juliette Greco devint vite l’égérie du lieu. On y écoutait du jazz, buvait, faisait la fête jusqu’au petit matin, malgré la vétusté du lieu.
Les frères Vian y officiaient. Alain à la batterie, Lelio à la guitare, et Boris à la trompette, instrument qu’il pratiquait avant qu’il ne devienne chanteur. Guy Montassut les accompagnait au saxophone ténor.
Le Tabou a marqué l’histoire de la vie nocturne et surtout celle du jazz à Saint-Germain- des-Prés. En 1948, au 13 rue Saint-Benoît, s’ouvre le Club Saint-Germain. Endroit raffiné, il attire un public posé et discipliné, contrairement au Tabou qui était le repaire des artistes et des zazous.
À cette époque, la santé de Boris Vian se dégrade suite à une malformation cardiaque. Il dût quitter la cave du Tabou et abandonner la trompette. C’est ainsi qu’il devint le directeur de la programmation du Club Saint-Germain tout en réfléchissant à se tourner vers la chanson. Ses frères restèrent au Tabou. Le Tabou essaie tant bien que mal de résister à cette concurrence. Au milieu des années 1950, un jeune pianiste, Henri Renaud, inconnu dans le milieu, arrive de son Châteauroux natal à Paris en vue de faire ses études après son baccalauréat. Sur les conseils de ses amis qui l’ont précédé à Paris, Henri Renaud loua une chambre à l’hôtel d’Aubusson aux loyers modestes.
Un soir, Alain Vian demande à Henri Renaud s’il ne peut pas remplacer au pied levé le pianiste habituel du Tabou. Et c’est ainsi que la carrière de ce fabuleux pianiste commença à décoller.
Plus tard, Henri Renaud, outre sa carrière de pianiste, devint vers la fin des années 1970, directeur du département jazz du label Columbia, actuellement Sony. C’est lui qui fut à l’origine des éditions de CD de jazz de Columbia. Il anima également une émission de jazz à la radio dans les années1980.
Les clubs de jazz de Saint-Germain-des-Près étaient donc le théâtre de la vie nocturne parisienne à cette époque. Beaucoup de musiciens faisaient des allers-retours entre le Tabou et le Club Saint-Germain dans la même soirée. C’est à ce moment que le public découvrit un jeune guitariste français qui apportait de la fraîcheur, de la fougue, de la jeunesse. Élu meilleur guitariste français de jazz de l’époque, il s’agit de Sacha Distel, avant qu’il ne devienne le crooner que l’on connaît.
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Par Freddy Rasolofo, bibliothèque André Malraux