Séries musicale de l'été Danse & Jazz : la musique en mouvement (épisode 6)
James Brown chante sur le plateau de l'émission Music Scene, le 9 septembre 1969 (Wikimedia Commons)
Cet été, les bibliothèques vous invitent à revivre l'histoire des liens entre la danse et le jazz. Une saga historique et musicale, à suivre tout l'été. Episode 6 : le rhythm & blues.
ÉPISODE 6 : LE RHYTHM & BLUES
Dès la fin des années 1940 une musique populaire afro-américaine issue du blues, du jazz et du gospel émerge, c’est le rhythm’n’blues. Un blues au tempo accéléré, une musique souvent joyeuse et toujours dansante.
Ce style est d'abord appelé « race music », musique populaire “réservée” à la communauté noire américaine. Il y a d'abord des raisons économiques à cette émergence : les clubs de jazz préfèrent engager de petites formations plutôt que des big bands dont les coûts deviennent trop élevés. Et des raisons techniques : l'électrification des instruments va permettre aussi la sonorisation de salles de danse puis de concerts avec de petites formations musicales. De même, l’expansion des radios, la multiplication des jukeboxes, les possibilités d'enregistrement moins coûteuses, vont permettre d'élargir l’audience de cette musique et les possibilités de danser. On garde la rythmique de l’orchestre de jazz (batterie, contrebasse, piano) avec une section de cuivre réduite au minimum (dont un saxophone type hurleur dans la tradition des “blues shouters”) et on adjoint très rapidement une guitare électrique.
Le passage du jazz au rhythm’n’blues se fait en douceur. Louis Jordan est l'exemple parfait de cette évolution. C’est un musicien venu du jazz, dans la tradition swing, il pratique une musique construite sur des blues rapides répétitifs avec des orchestrations simplifiées mais très efficaces. Dans le blues et le rhythm’n’blues, les paroles sont particulièrement crues, parfois vulgaires, Louis Jordan ajoute à cela une touche d’humour et de bonne humeur :
Louis Jordan, « Caldonia », années 1940
D'autres artistes vont aussi montrer le chemin : Amos Milburn, Roy Brown, Fats Domino, pianistes dans la tradition boogie. La musique de ces précurseurs va se fondre dans le rock and roll naissant et c’est aussi le cas de Louis Jordan.
Johnny Otis - Willie And The Hand Jive, 1958
Les années 1950 : le rock’n’roll et le rockabilly
Le rock'n'roll est à bien des titres le prolongement du rhythm’n’blues. Il incorpore des éléments de la country en plus. Le rythme ternaire hérité du jazz est remplacé par un rythme binaire et un tempo plus soutenu. Les musiques populaires noires et blanches se mélangent davantage. Des chanteurs blancs comme Elvis Presley reprennent le répertoire de musiciens noirs et remportent un succès planétaire.
Si les musiques évoluent, les danses aussi. Après les danses swing comme le lindy hop ou le jitterbug, on passe au rock à quatre ou six temps, au boogie-woogie, au rock sauté, au rock acrobatique :
1950s Rock & Roll, Rockabilly dance et lindy hop
Bill Haley & His Comets - Rock Around The Clock, 1956
Autre danse typique du rock and roll, le >madison :
La scène de madison dans Bande à part de Jean-Luc Godard (1969)
La Soul music.
Dans les années 1960, une nouvelle évolution du rhythm’n’blues va donner naissance à la Soul. C’est un retour aux sources avec l’incorporation d’une certaine dose de gospel. Dès le milieu des années 1950, Ray Charles, figure majeure de la musique noire américaine, mélange avec bonheur le gospel et le rhythm and blues. Avec Sam Cooke, ils posent les bases de la soul. Cette musique est aussi un véhicule pour la communauté afro-américaine Elle leur permet de revendiquer leur identité dans un pays encore en proie au racisme et à la ségrégation.
The Blues Brothers | Aretha Franklin chante "Think"(1980)
Le cas James Brown
James Brown est un cas particulier, un résumé explosif de toute la musique noire américaine. Il est l'expression même de l'indissociabilité des musiques noires américaines et de la danse. Il traverse les courants musicaux : il commence sa carrière, au sortir de prison, au début des années 1950 comme chanteur de gospel puis s’adonne au rhythm and blues avant de connaître le succès dès 1956. Il glissera doucement vers une soul ultra dansante avant d’incarner comme personne la funk musique. Son orchestre est composé de musiciens parmi les meilleurs du moment avec une section de cuivres à la précision remarquable (saxophone alto & ténor, trompette, trombone). Celui qu’on appelle « Mr. Dynamite » danse avec une énergie inouïe, répète des routines mais improvise aussi. Il adapte à sa façon les danses qui naissent dans les clubs noirs. Il est une influence majeure pour les générations futures sur le funk et la breakdance.
James Brown - Night Train (Tami Show, 1964)
Ici, une démonstration de son immense talent dans ces deux extraits vidéos :
Les meilleurs pas de danse de James Brown
James Brown - Sex machine (1970)
À la suite de James Brown, apparaît dès le milieu des années 1970, le courant funk (terme qu’on utilisait déjà en jazz pour désigner une musique qui participe de la tradition noire : rythmes marqués, insistants, hypnotiques, phrasés bluesy). Des groupes comme Parliament et Funkadelic, dignes héritiers de James Brown, mélangent habilement le rock psychédélique et le funk.
Parliament Funkadelic - Give Up The Funk - Mothership Connection Houston, 1976
Mais la descendance de James Brown est longue. Ici Michael Jackson, son fils spirituel est l’un des plus doués :
Michaël Jackson, Billie Jean (1983)
Le disco
Arrive enfin le disco. Lui aussi est un style dérivé du rythm'n'blues !
Il se forme en opposition au rock des années 70 qui ne se danse plus.
Il est très populaire dans les années 1970 et est avant tout une musique de danse. Le disco commence dans les boîtes de nuit américaines pour finalement envahir toute la planète. Très commercial et formaté dans sa production, il utilise les musiciens de soul et de funk et emprunte certains clichés déjà éculés. Sa simplicité et son rythme répétitif et lancinant sont les clés de son succès. Il n’est pas nécessaire de savoir bien danser pour fouler le dancefloor.
Chic - Le Freak (1978)
Pour autant, on trouve toujours ce même désir d'innover chez les chorégraphes et les danseurs passionnés :
SoulTrain Line Dance to Earth Wind & Fire's - Mighty Mighty (1974)
Mickael Jackson, Beat it (1982)
par Jean-Pierre Bourrachau, bibliothèque François Villon
Danse & Jazz : notre série de l'été
Notre série « Danse & Jazz » se décline en sept parties qui seront diffusées tout au long de l’été 2024 de manière hebdomadaire. Ne ratez pas les autres épisodes !
Épisode 2 Jazz Nouvelle-Orléans
Épisode 6 Le rythm’n’blues : du jazz au rock’n’roll
Épisode 7 Le Modern Jazz