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Livre
La rafle des notables
Edité par Grasset - paru en 2020
Récit d'un épisode de l'Occupation, auquel le grand-père paternel de l'auteure s'est trouvé mêlé. En décembre 1941, les Allemands arrêtent 743 Juifs français, parmi lesquels des chefs d'entreprise, des avocats, des écrivains et des magistrats, et les enferment dans le camp de Compiègne. Mêlant enquête familiale et historique, A. Sinclair reconstitue le destin tragique de ces prisonniers. ©Electre 2020
Collection : Essai
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Bouleversant mais édifiant sur le régime de Vichy et donc le comportement de Pétain
La légende familiale disait que le grand-père d'Anne Sinclair, Léonce Schwartz (d'origine alsacienne mais comme ses codétenus, il se considérait avant tout Français), avait été sauvé de manière presque rocambolesque par son épouse. En cherchant à en savoir plus, elle s'est rendue compte que c'était beaucoup plus complexe et a tenté de reconstituer les évènements malgré le peu de documents à sa disposition au départ. Ce qui nous donne ce récit captivant, bien que l'écriture en soit plate (Anne Sinclair excellente journaliste au demeurant n'a pas le talent d'un écrivain...).. Le 12 décembre 1941 commence ce qu'on va appeler la rafle des notables. Le régime de Vichy a affirmé que les Juifs français avaient été pris pour cible à partir de juillet 1942, ce qui est faux : cette rafle est la première. Elle est composée de 743 notables et comme les SS exigeaient un compte rond : mille personnes, d'autres Juifs ont été arrêtés dans les rues. Il s'agissait de personnes ayant subi des pogroms depuis des générations, habitués à fuir, aux antipodes des notables qui étaient en France depuis très longtemps et n'avaient jamais subi de persécution. Les notables (dont l’avocat Pierre Masse et son frère, le colonel Roger Masse, René Blum frère de Léon Blum, l'écrivain Jean-Jacques Bernard fils de Tristan Bernard...) sont arrêtés au petit matin, ils ont à peine le temps de s'habiller de prendre une petite valise et sont embarqués, interrogés, emmener d'un endroit à un autre dans Paris (dont la salle des mariages de l'ancien bâtiment de la mairie du 17ème arrondissement, ce qui m'a bouleversée encore plus car je me suis mariée en 2010 dans l'actuelle mairie construite plus tard à la même adresse) et pour finir le train pour les emmener à Compiègne qu'ils traverseront à pieds sur 5 km, sous les coups bien sûr et après près de 24 heures sans manger ni boire. Ils vont être entassés dans un camp, dans un bloc spécial qu'on appellera le « camp des Juifs ». Dans d'autres blocs sont incarcérés des communistes ou des Russes arrêtés (car le pacte germano-soviétique a été rompu par Hitler en mai 1941). Ils sont soumis à un régime spécial, visant à les faire mourir de faim (la soupe où flottent trois pauvres navets, mais donnant parfois lieu à des conflits, tant ils sont affamés) une hygiène déplorable, avec les poux dans les paillasses… Tout est fait pour les humilier et les détruire, mais ils résistent autant qu'ils peuvent, les plus valides organisant des conférences dans leurs domaines respectifs : René Blum (le frère de Léon) sur Alphonse Allais par exemple, ou encore Louis Engelmann, le voisin de Léonce sur l'électricité… En fait, ils auraient dû être envoyés dans les camps de l'Est (Auschwitz) mais, les trains étaient réquisitionnés pour les permissions de Noël des soldats allemands. On apprend aussi, au passage que René Blum sera jeté vivant dans les fours crématoires dès son arrivée à Auschwitz. Léonce Schwartz n'était pas un intellectuel. Il vendait de la dentelle en gros, qu'il faisait tisser à Bruges… Serge Klarsfeld a fourni à Anne Sinclair, la liste exacte de ces notables et de leurs professions, certains étaient des officiers de l'armée, décorés pour leur bravoure pendant la première guerre mondiale. C'est impressionnant! Anne Sinclair étaye son récit, citant les travaux de Klarsfeld, mais aussi les témoignages de compagnons d'internement de son grand-père, elle ne laisse rien dans l'ombre car elle savait peu de choses sur lui, qui a réussi à être sauvé de la déportation car il était trop mal en point, il est mort quelques jours après l'armistice, en ayant pu revoir son fils résistant engagé auprès du Général de Gaulle. J'ai beaucoup apprécié ce livre, récit détaillé sans concession de l'enfer qu'ont vécu ces hommes, dans un camp tenu par des Allemands. Je connaissais très peu choses au sujet de ce camp de Royallieu (vestige de la Royauté comme son nom l'indique) situé près de Compiègne, et pas loin du fameux wagon de Rotondes… et Anne Sinclair m'a profondément touchée et donné l'envie d'en savoir plus et d'aller fouiller pour trouver les témoignages qu'elle cite dans son livre. En refermant ce livre qui est un uppercut, je me suis rendue compte qu'il y avait encore beaucoup de choses que je connaissais mal, alors que j'ai lu énormément d'ouvrages sur la seconde guerre mondiale, le nazisme, la barbarie du troisième Reich mais devant la montée des intégrismes, des populismes, ce que l'on pensait à jamais dans les oubliettes peut refaire surface… J'ai maintenant très envie de lire l'ouvrage que l'auteure a consacré à sa famille maternelle : « 21, rue de la Boétie »
ACZ - Le 01 juin 2022 à 20:01