"Escale musicale" de l'été le jazz français
Cet été, partez à la découverte du jazz "made in France" à travers une série d'articles et de sélection à consommer sans modération. Premier épisode, à la découverte des précurseurs du jazz français.
Depuis l'effervescence des Années folles qui a vu naître le charleston puis le jazz, en contribuant à la naissance des cabarets, le jazz en France s'est nourri de nombreux allers-retours entre les musiciens américains et français. Une histoire d'amour est née qui a fait se rencontrer tous les styles de jazz depuis le swing jusqu'au free.
Le jazz français a développé très vite une identité propre en la personne de Django Reinhardt, inventeur du jazz manouche. Des décennies plus tard, des personnalités comme Didier Lockwood, Michel Petrucciani ou Richard Galliano apportèrent un renouveau avec la création de standards.
Foisonnant, le jazz français a toujours le vent en poupe comme le montre la scène actuelle, nourrie des influences de ses aînés mais aussi du rock, de la pop, de l'électro, des musiques du monde et de la musique classique. Toujours en quête d'inventivité, il témoigne d'une inlassable énergie.
Le collectif jazz des bibliothèques de la Ville de Paris vous présente toutes les facettes du jazz français à travers quelques figures, lieux emblématiques et sources d'inspiration de ce courant musical détonnant.
Cette série se décline en cinq volets qui seront diffusés tout au long de l'été 2023.
- Ep.1 : Introduction au jazz français
- Ep.2 : Le jazz à Saint-Germain-des-Prés
- Ep.3 : Le renouveau (1960-1990)
- Ep.4 : Le jazz-rock
- Ep.5 : La nouvelle scène
Les précurseurs
Le 12 février 1918, se tient, non pas à Paris mais à Nantes, le (sinon un des) premier concert de jazz d’Europe. En effet, depuis avril 1917, les États-Unis sont entrés en guerre aux côtés de la France et de la Grande-Bretagne. Parmi les 25 orchestres militaires qui accompagnent le déploiement des troupes américaines, se trouve le lieutenant James Reese Europe et son fameux orchestre des Harlem Hellfighters.
Lors d’une tournée de six semaines, l’orchestre de quarante musiciens introduit en France une drôle de musique au rythme syncopée, le jazz sous sa forme embryonnaire dénommée ragtime. C’est un succès et la tournée se prolonge (après un détour par les tranchées de Champagne) jusqu’en janvier 1919. À sa mort, en mai 1919, la presse française s’émeut de la perte de l’inventeur du « jazz-band » tout en mettant en avant l’incongruité que pouvait constituer ces sonorités nouvelles.
Si les années 1920 restent associées au jazz dans nos représentations avec l’arrivée de Joséphine Baker au théâtre des Champs-Elysées (1925) et les orchestres de jazz qui font danser le public des Clubs des quartiers des Champs-Élysées et de Montparnasse, c’est surtout dans les années 1930 qu’émerge une culture jazz en France avec
- des enregistrements (les 78 tours importés des États-Unis)
- des musiciens américains qui se produisent en Europe (Duke Ellington, Louis Armstrong, Bill Coleman) puis des musiciens français qui inventent le jazz français (Django Reinhardt, Stéphane Grappelli)
- un discours sur le jazz puisque c’est en France que parait la première revue de jazz au monde : Jazz Hot. Revue créée par le Hot Club de France (association d’amateurs de jazz) et dont la Médiathèque musicale de Paris possède une collection presque complète (visible en ligne sur la bibliothèque numérique de la Ville de Paris).
C’est dans ce contexte que se déclare la Seconde Guerre mondiale puis le renouveau du jazz après 1945.
Le jazz manouche, une invention française
Django Reinhardt et Stéphane Grappelli inventent dans les années 1930 un nouveau style de jazz qui sera unique dans le monde. Le jazz manouche, nourri par la musique tsigane et le style klezmer, alors en vogue en Europe de l’Est, se mélangera avec des airs issus de la chanson française et du musette. Contrairement au jazz américain, c’est un jazz sans cuivre ni percussions mais initialement joué par des instruments à corde, bientôt rejoints par l’accordéon et la clarinette.
Des années plus tard, Richard Galliano créera lui aussi un nouveau genre à partir du musette, le « New jazz musette ».
Prochain épisode : Le jazz à Saint Germain des Près
Par Anne-Laure Chatelot, bibliothèque Buffon et Juliette Delobel, médiathèque musicale de Paris