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Livre
Réflexions sur la question antisémite
Edité par Bernard Grasset - paru en DL 2019
Rabbin, l'auteure livre son analyse sur l'antisémitisme tel qu'il est perçu par les textes sacrés, la tradition rabbinique et les légendes juives. Face à la résurgence des discours antisémites de l'extrême droite et de l'extrême gauche, elle propose de se prémunir de la tentation victimaire grâce à un certain nombre d'outils permettant la résilience. ©Electre 2019
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Réflexions sur la question antisémite
Il n’y a pas de question juive, il n’y a qu’une question antisémite. Si Delphine Horvilleur fait un clin d’œil aux Réflexions sur la question juive de Jean-Paul Sartre, ce n’est pourtant pas vraiment pour les réfuter. La rabbin du Mouvement juif libéral de France ne contredit pas le philosophe lorsqu’il écrit que c’est le regard de l’autre qui fabrique le Juif. Tout comme le philosophe existentialiste, Delphine Horvilleur considère que c'est le bourreau qui fait problème, non la victime. Si elle reprend à sa façon le célèbre « Aux États-Unis, il n'y a pas de problème noir mais un problème blanc », son parcours reflète des chocs extrêmement personnels: elle dédie son livre à Simone Veil et Marceline Loridan, mais aussi à Sarah et Isidore ses « grands-parents survivants et sous-vivants à la fois ». Et en 2019, tandis que l’antisémitisme perdure, il est temps d’inverser le point de vue : non pas comment l’antisémite « fait » le Juif, mais comment le Juif voit l’antisémite, comment la conscience juive vit avec ce qui veut sa perte. Il s’agit donc plutôt de « réflexions juives sur la question antisémite ». Pourquoi l’antisémitisme n’est-il pas un racisme comme les autres ? Pour trancher d’emblée ce débat perpétuel, Delphine Horvilleur avance une distinction : le racisme est un mépris, l’antisémitisme est une jalousie, le premier s’exprime de haut, le second d’en bas ou de côté, l’un est un rejet du barbare, l’autre une « rivalité familiale ». La différence de couleur de peau ou de culture est vue comme « quelque chose en moins », que l’autre n’a pas pour être « comme nous » ; au Juif, on reproche au contraire d’avoir « quelque chose en plus », sans doute usurpé, qu’il accaparerait en en lésant le monde commun. Même pauvre, discriminé, victime du pire, il est encore « trop » : « littéralement, il m’excède », conclut Delphine Horvilleur. La haine du Juif s’accroche à la permanence de plusieurs thèmes. L'éclairage de Delphine Horvilleur interpelle les sources de l'Ancien Testament ou Thora où l'on découvre l'identité hébraïque comme celle d'un « arrachement à la terre de naissance » d'Abraham en partance vers une Terre Promise, puis celle du départ d'Egypte. Un nouvel arrachement qui « fait exister le peuple dans une non-identité au lieu qui l'a vu naître ». Persécutions sous domination romaine, Moyen-Age « où fleurissait déjà une littérature antijuive » suggérant que « la virilité faisait biologiquement défaut au corps juif et pas seulement à son esprit », puis Freud qui établira au début du XXème siècle « un lien direct entre antisémitisme et misogynie ». Assimilation aussi de la circoncision à la castration… Ces deux aspects reliés amenèrent peu à peu l'idée d'une « science de la race juive sur laquelle l'idéologie nazie va s'appuyer, décrivant le corps juif biologiquement différent ». Delphine Horvilleur évoque le cas d'Otto Weininger, haineux de ses origines, soutenant cette thèse de féminité et qui finit par se suicider en 1903 ce qui aurait fait dire à Hitler qu'il était « l'unique Juif honnête ». L'antisémitisme est une « accusation paradoxale » explique enfin Delphine Horvilleur. « L'antisémite reproche au Juif d'avoir quelque chose qu'il n'a pas, un accès au pouvoir, à l'argent » . Mais en même temps, « il est perçu par certains comme moins qu'un homme » ce qui, intellectuellement conduit à un non-sens. Cet ouvrage relativement court n’est pas toujours facile à lire ; certains passages nécessitent une 2ème lecture.
ACZ - Le 28 avril 2019 à 19:05